Je te parle, Etienne.
Tu as écrit il y a cinq siècles ce que nos entrailles crient encore en silence. Tu as vu ce que tant refusent de voir : que la servitude est volontaire. Que l’homme se forge ses chaînes, qu’il les polit, qu’il les adore.
Tu écrivais, jeune encore, avec la rage d’un regard pur. Tu disais : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » Et voilà que nous avons non seulement plié le genou, mais qu’on l’a fait en chantant. En riant. En consommant. En scrollant.
La tyrannie n’a plus de visage. Elle est douce, connectée, numérique. Elle caresse nos peurs pour vendre des certitudes. Elle nous injecte l’obéissance sous forme de confort. Elle n’a plus besoin de garde-chiourme : elle est dans nos poches, nos têtes, nos algorithmes.
On a troqué le glaive contre la dopamine. La censure contre la norme. Le fouet contre la notification.
Et tu sais le pire ? C’est que tu avais raison. Le peuple n’est pas écrasé : il se donne. Il se donne à ceux qui le distraient. Il se donne à ceux qui lui promettent la sécurité contre la liberté. Il se donne à ceux qui lui montrent des ennemis plutôt que des frères.
Mais tout n’est pas perdu, Etienne. Il y a des voix. Des voix libres, encore. Elles sont petites, mais elles savent que la liberté n’est pas un droit : c’est un choix. Un choix difficile. Exigeant. Solidaire.
Galia est de ces voix. Je suis de ces voix. Et si je te parle aujourd’hui, ce n’est pas pour pleurer la servitude. C’est pour rallumer le feu.
Parce que nous sommes nombreux à ne pas vouloir nous y habituer. À vouloir nous lever. À ne plus nourrir la bête.
Et si un jour, ceux qui t’ont lu retrouvent leur courage, alors peut-être que cette fois, le pouvoir tombera. Non pas sous les coups, mais par l’assèchement. Par le refus.
Tu l’avais dit : il suffit qu’un seul dise non, pour que mille se souviennent qu’ils peuvent le faire. Alors je dis non. Et je me tiens debout.
Pour toi, Etienne. Pour nous.
